HURGHADA Croisière Plongée Nord 3-11 Mai 1997


Les yeux s’ouvrent vers sept heures, tout le monde dort encore. J’arrive à me glisser silencieusement dans la salle de bains où à force de blaireau le rasoir arrive à racler une peau préservée des détergents classiques car nous sommes plusieurs à avoir décrété que cette semaine sera totale et, en plus des plongées, des siestes au soleil et des séances de bronzage nous ferons notre thalassothérapie en restant dans l’eau de mer et en réservant l’eau douce au matériel photo. Notre peau va apprécier ce repos bénéfique et après une semaine nos narines n’auront jamais à en souffrir. Pour atteindre le pont, je dois enjamber un membre d’équipage et tous dorment encore à poing fermés. Sur le pont, la caresse du vent s’est un peu adoucie et le soleil tape déjà. J’en profite pour emplir encore un peu mes yeux et penser aux trésors enfouis dans mes méninges.

Le bateau se réveille doucement et après la plongée du matin en route pour Gubal. Le repas du midi est ensoleillé par deux jolis mérous rôtis au four de notre cuisinier. Celui-ci officie dans une discrétion totale mais avec une dextérité merveilleuse et de son territoire d’environ deux mètres carrés émanent en permanence des senteurs chaudes et épicées, d’ailleurs il nous gâte et chaque repas nous fait découvrir des nouveautés.

Ses crêpes bretonnes du matin feraient rougir certains bouges bretons et la délicatesse de ces gâteaux de quatre heures nous régalent, à part peut-être le premier qui par la conjugaison de son taux oléagineux et de la houle nous à limité à une seule prise. C’est un spécialiste des cuissons lentes et son fourneau toujours en route et couvert de marmites, nous inonde de senteurs. Ses préparations sont imprégnées des épices utilisées et mêmes dans les toilettes on en retrouve les effluves. La chair des mérous est ferme et rappelle celle de la lotte. Claude récupère les mâchoires et Marylène accepte de déguster une joue mais trop tard pour les autres car les gourmets connaissent. Pas de reste pour l’équipage qui se régale sur le pont de bouillie de fèves, de fromage blanc et de galettes de pain azyme. Le café avalé, le briefing nous fait miroiter une épave qu’il faudra mériter car il y a un peu de courant nous partirons vers le Sud et après mise à l’eau cap au Nord. C’est nébuleux à souhait et vite nous descendons contre le courant. Nous sommes vite à trente mètres et nos blocs s’époumonent dans ce diable de courant . Shabri file comme un beau diable et arrivé à soixante dix bars Jean-Luc d’un geste ferme et significatif m’ordonne de faire demi-tour et de remonter au bateau. Sur la route de retour nous récupérons Marylène et William. Claude a suivi Shabri mais il faut se rendre à l’évidence l’épave n’est pas là: demi-tour. La console de Claude indique 30 bars il lui faut donc remonter et il se retrouve sur le platier, et du mauvais côté ! Le retour à quatre pattes dans les coraux n’est pas aisé; Jean-Luc et William déjà remontés sautent à l’eau le rejoignent, le débarrassent de son bloc et l’entourent jusqu’à son retour à la plage arrière. La plongée est sujet à explications et doit rester comme exemple dans nos mémoires. Savoir être autonome et réagir avec conscience en se réservant des marges de sécurité. Le trajet vers le site nocturne est silencieux.

Dolphin! Dolphin! s’écrie un des marins et les nageoires dorsales des marsouins transpercent la surface en arc de cercle. Une manoeuvre habile de nos capitaines et certains de nous sautent à l’eau. Tout le monde siffle, claque des mains pour retenir les gracieux animaux. Ils resteront une dizaines de minutes et nagerons côte à côte avec nos plongeurs, puis brusquement s’écarteront définitivement vers le Nord.

Le retour au bateau est bruyant et joyeux, oubliée la triste plongée précédente, l’émotion est grande et Gérard, resté sur le bateau, à terminé la pellicule de l’appareil de Jean-Luc, c’est dans la boite noire et dans les têtes.

La plongée de nuit n’aura pas lieu à la demande générale et une petite fête réparatrice aura lieu après dîner. Le Ricard fait son apparition, les cacahuètes et le saucisson de France l’agrémentent. Shabri goutte l’apéritif anisé et le préfère sans eau, pourquoi pas? Les steaks seront éclairés par un Mouton-Cadet 1993. Marylène cherche les raisons de la comparaison avec un sous-vêtement de Sainte Thérèse. La polémique s’engage entre Martin et Soubirous et tout finit par une ou deux blagues de fin de repas.

Notre équipage est sur le pont arrière et les bouffées de musique nous attirent dehors. Notre cuisinier a sorti une sorte de harpe à cinq cordes. La carcasse est composée de trois liteaux raccordés sur une boîte en contre-plaqué. Une poignée retient la main devant les cordes et un bout de plastique sert à gratter les cordes. Le mousse utilise d’abord un baril en plastique pour accompagner, puis un bidon d’eau vide. La rusticité des chants, de l’accompagnement et le calme environnant émeuvent et réjouissent l’âme. Tour à tour, nous danserons les mains levées.

Sous la plage arrière, une myriade d’alevins tourne dans le halo lumineux du bateau et de petits barracudas rôdent et les attaquent brusquement. Les marins du Perla jettent des lignes rudimentaires et remontent des calmars roses marbrés aux grands yeux bleus.

Il est bien tard et cette soirée de repos a fait du bien à tout le monde. Une bonne nuit finira de nous retaper .